SWEET DISPOSITION.

Quelle est la plus grande différence entre une amitié ratée et une amitié réussie ? L’art du mensonge, de le manier, le modeler et le finaliser pour qu’en fin de compte, il n’apparaisse que comme une omission. C’est difficile, c’est vrai, mais c’est faisable.
Ici, au cœur de Londres, qu’avons-nous. Un rectangle amoureux, Sebastian le petit adolescent perturbé, romantique et perdu sans ses repères quotidiens. Thomas, le bourreau des cœurs qui pour autant n’est pas si insensible que cela. Kristin, la virevoltante Kristin, elle serait comme une feuille volante, libre et signée de toute part par les gentils damoiseaux qui auraient rencontré son chemin. Marissa, l’incorruptible retro, dont la vision du monde a été entachée par une écoute précoce de la pop londonienne déprimante.

Soyons clairs et concis.

Marissa et Sebastian était un petit couple parfait et heureux, cela fait un peu plus d’un an que les deux tourtereaux se consument de la même flamme que l’on connait tous. D’abord passion, pour terminer en cendre. Le feu ne se ravive plus depuis que la jeune anglaise a perdu son orientation. L’aimant qui dérègle sa boussole, c’est Thomas, le bellâtre. Il est là avec un sourire charmeur, des mots doux et pesants qui ne sont plus pour Marissa qu’une source d’embêtement. Elle ne se cachait pas, aux prémices de cette relation, de l’ennui qu’elle éprouvait au contact de Thomas. Il la faisait chier, tout bonnement. Mais l’ennui lié à cet agacement changea vite de nature. L’ennui fila vite vers la gêne, Thomas lui plaisait.

Premier mensonge : Marissa aime bien Thomas. Se le cache à elle-même puis le cache à son petit ami de « longue date ».

Entre ensuite dans le jeu du triangle une quatrième personne, élargissant la géométrie à une histoire complexe dont personne ne voudrait. Kristin. La dévorante Kristin qui n’a pas sa langue dans la poche. La meilleure amie de Marissa. La bonne amie de Thomas… Comment dire, « the modern love ». « Friends with benefits » collerait mieux peut-être ? Modern love, c’est très peu approprié. Où est l’amour entre ces deux là ? Toujours était il que Kristin et Thomas fricotaient gentiment.

Deuxième mensonge : Thomas jongle entre Marissa et Kristin.
Troisième mensonge : Marissa n’en dit rien à Kristin.

Le temps est venu pour nous les enfants de nous rendre sur les lieux du crime. Nous sommes en décembre, la neige recouvre gentiment Abbey Road, la route mythique. C’était un lieu où Marissa aimait trainer, non loin de là où elle habitait, et de plus, saupoudré de neige le cadre était exquis. Voluptueux, blanc. Un paysage de paix, contrastant parfaitement avec le futur dialogue entre Marissa Phillips, et Kristin Thompson. 21 décembre, le jour où l’art de manier le mensonge délimita les frontières de l’amitié.

Blackberry en main, elle tapota à toute vitesse :

To : Kristin Thompson____________________

Abbey Road 3pm.
xx

Elle voulait trainer un peu, puis elle se rendit compte qu’il était déjà 2 :48pm. L’art et la manière d’envoyer un texto de rendez vous avant de savoir l’heure qu’il est, bravo Marissa, bravo ! elle enfila gants écharpe bonnet grosses chaussettes écouteurs d’iPod doudoune et moonboots puis dévala 3 étages à toute vitesse. Elle sauta à pied joint de son porche jusque dans le petit tas de neige fraiche et se hata vers Abbey Road.




Le passage piéton était couvert de verglas boueux, impossible de reprendre les pas des Beatles sans glisser. Les touristes et fanatiques présents étaient déçus, tellement déçus que Marissa entendit l’un deux dire « je vais chercher une pelle et du sel, comme ça il sera niquel ! C’est un monument du patrimoine anglais, merde ! » Elle sourit, oui c’était vrai mais attention tout de même à ne pas rayer la peinture au sol…
Elle se posa sur un petit muret le long du trottoir, après avoir dégagé la neige. Elle ne posa pas son postérieur la, bien sûr que non, au risque d’être mouillée du popotin elle se posta en mode pigeon sur le rebord du muret. Accroupie sur la pierre gelée, attendant son amie, Kristin.