Between drug-addict | Julian Tarasov _ Louise Wendson

Allongée avec de la musique dans les oreilles, les yeux fermés, je savourais ce rare rayon de soleil de Londres depuis plus de deux heures. Une cigarette innocente entre mes doigts, un briquet dans une main, la fumée sortant entre mes lèvres à chaque expiration formait des formes irrégulières, comme des gitanes qui dansent. Ce jour là aurait du être mon premier jour au lycée mais je séchais. Je n’avais pas envie d’être enfermée entre quatre murs à écouter sans comprendre. Je voulais être défoncée. Il aurait fallu que j’attende le soir pour vagabonder dans les rues Londonienne pour trouver des drogues, ou plutôt des dealers qui ne sont pas très facile à dénicher, mais je ne pouvais plus attendre. Quarante-huit heures était le maximum. Deux longs jours où je n’ai pas pu me procurer cette sensation d’euphorie et de « planage ».

J’ouvris lentement mes yeux de peur d’être éblouie trop brutalement par la lumière du jour, m’étirais, tournais ma tête vers la gauche, puis à droite et me redressait pour être assise. Je regardais aux alentours ; c’était désert. Personne. Evidemment tout le monde était sagement assis derrière une table le stylo à la main. Mais j’aperçu un sac abandonné près d’un arbre. J’éteignis ma cigarette et la jeta au loin, puis je rangeais mon iPod dans une des poches de ma veste. Curieuse, je me relevais en prenant mon sac sur l’épaule, avançant prudemment en direction de l’objet abandonné. En arrivant de plus en plus près, une silhouette se forma petit à petit près de l’arbre. J’aperçu d’abord des chaussures, des jambes, puis un corps et enfin la tête. Il avait des cheveux brun ébouriffé qui lui donnait un air coiffé-décoiffé, vêtu d’un t-shirt blanc et d’un jeans, il était appuyé contre le tronc d’arbre inspirant bruyamment. Ne le voyant pas de face je n’étais pas sûre de ce qu’il faisait, mais je pouvais très bien deviner. Je m’approchais encore, une branche craqua sous mon pied et il se retourna brusquement. Il avait un beau visage avec un air rêveur et des yeux marqué par des cernes, me dévisageant avec surprise. Ses mains tenaient un petit sachet transparent où l’on pouvait voir qu’il était rempli à moitié d’une poudre blanche et une paille qu’il essaya de cacher. Je souris.

" Tu partages ? Demandais-je. Je suis en manque, je crois que tu dois comprendre ce que ça signifie.

Je vérifiais autour de moi si nous étions bien seuls. D’un regard il m’indiqua de m’assoir en face de lui, ce que je fis. Il me passa quelque gramme de la poudre sur une sorte de carton, puis me regardait faire. Prenant du bout de mon index cette poudre je l’approchais vers une de mes narines puis j’inspirais encore et encore afin que sa aille correctement dans ma cavité nasale.

« Encore. Réclamais-je

Et il me resservit. Puis je répétais ce même geste une dizaine de fois mais cette fois-ci avec une paille. Enfin j’avais cette sensation. Je fermais mes paupières tellement que c’était bon.

« Quel es-ton nom ?

- Julian

- Eh bien, merci Julian.

J’ouvris mes yeux. J’avais du mal à me concentrer et à regarder son visage bien en face qui n’était pas très net.

« Je te dois combien pour ces quelques grammes ?

Ce matin là, Sebastian s'était engueulé une énième fois avec Marissa. Franchement ces deux là je n'arrivais pas à comprendre ce qu'ils faisaient encore ensembles puisqu'ils passaient plus de temps à se hurler des bêtises qu'ils n'en passaient à se bécoter ou à traîner en couple ces derniers temps. Seb a toujours été possessif, mais les choses semblent avoir pris une tournure assez impressionnante depuis que ce Galiano est dans le portrait. Mais peu importe ... moi... qu'est-ce que j'ai à voir là-dedans? Rien. Toujours est-il que comme Seb était furax je n'allais certainement pas lui coller l'arrière-train, et je n'avais aucune envie d'aller en cours. Il ne me restait donc qu'une amie, bien fidèle et bien amusante; la drogue.

Apparemment, ce jour là n'était pas mon jour de chance, parce que lorsque je croisai mon dealer près des tables à pique-nique, il m'avoua qu'il n'avait plus d'herbe et plus d'extasy. Que de la poudre. Je n'ai jamais aimé faire de la poudre. J'en ai fait deux fois, et franchement, quoi que le trip est un véritable vol plané au pays des merveilles, il y avait un truc là-dedans qui me dégoûtait tout autant qu'il m'en fichait la trouille. J'aurais préféré me défoncer comme un trou sans fond en noyant mon foie de Vodka ou de Rhum, mais bon, il faut faire avec ce qu'on a. J'achetai la poudre, mon porte-feuille était vide, alors que celui d'Oliver Jackson était si bien rempli qu'il avait du mal à le refermer. Je m'éloignai du bâtiment principal alors que la sonnerie retentissait et que les gens s'y dirigeait en traînant, n'ayant pas vraiment plus envie que moi de s'y rendre, mais bon, quand même un peu, puisque moi je me retrouvais à sécher ce qui ne m'était pourtant pas si familier. Je marchai le long du parking pour aller me mettre à l'ombre contre un arbre et j'attendis que le silence se joigne à moi, m'annonçant que les élèves étaient rentrés.

Je sortis le petit sachet de poudre de ma poche et l'observai quelques secondes. Sans doute n'était-ce pas une très bonne idée ... et puis merde! Je fouillai les pochettes de mon sac à la recherche d'une paille et j'aspirai un peu de drogue qui vint se faire un chemin dans ma narine droite. Je fermai les yeux. Inspirai à nouveau. Je rouvris les yeux et déposai ma tête contre le tronc de l'arbre. Pourquoi la vie était-elle aussi merdique? Reverrais-je enfin cette fille que j'avais rencontrée à la gare? Sans doute pas... pourquoi je n'avais pas tenté de la retenir? Juste un peu plus longtemps...? Ça me rendait dingue. Mon connard de beau-père me rendait dingue, et voilà que s'en était bien assez de tout ça. Voilà que je préférais m'échapper. Courir plutôt que de prendre les coups d'une vie minable qui frappait trop fort contre une défense que je n'avais pas. Je n'avais rien.

Je baissai les yeux et remarquai qu'une ombre se dessinait sur la pelouse devant moi et je sursautai. Je paniquai un instant croyant qu'il s'agissait d'un professeur ou de membre du personnel du Lycée et je tentai de cacher la paille sans faire tomber la poudre. Trop tard... j'étais pris la «paille» de le sac.

- Tu partages? me demanda celle qui m'avait surprise un sourire aux lèvres. Elle avait d'épais cheveux bruns assez longs, et durant un cours instant, je la confondis avec Jill, mais je repris bien vite mes esprits et réalisai que je ne l'avais jamais vue auparavant. « Je suis en manque, je crois que tu dois comprendre ce que ça signifie. » ajouta-t-elle comme si elle avait eu besoin de se justifier. Je lui fis signe de s'assoir et lui tendis ce qu'elle a quêté. Ça ne prit que peu de temps avant qu'elle en redemande. Voilà pour quoi je n'aimais pas la poudre. On devenait accroc trop vite, et on bien souvent on n'arrivait pas à la remplacer par autre chose. Quand j'avais envie d'un joint je me calmais avec des cigarettes, mais la cocaïne, c'était difficile à remplacer. Elle me demanda mon nom.

«Julian» lui dis-je. Elle me remercia pour la drogue.

« Je te dois combien pour ces quelques grammes ? » s'enquit-elle.

J'eus du mal à lui tirer une réponse et je commençai par hocher négativement la tête.

-Rien du tout, articulai-je finalement.

-Garde le reste si tu veux, j'ajoutai en désignant le petit sachet du menton.

Un silence planait maintenant, je n'aurais su dire exactement depuis combien de temps. J'étais en plein rêve éveillé, juste bien défoncé. Puis, des paroles s'échappèrent de ma bouche comme si elles ne venaient pas de moi.

- Et toi tu t'appelles ...?

Je ne sentais plus le tronc derrière mon dos et pourtant je sentais si bien la pelouse que je caressais du bout de mes doigts.

-Je te filerai le nom de mon dealer, si tu veux.

En quelques secondes je ne me souvenais plus de ce que je lui avais demandé. Il fit "non" de la tête en rajoutant avec effort :

- Rien du tout.

Je ne savais pas pourquoi il me disait cela et je compris avec un lenteur infinie ce qu'il essaya de dire. En me désignant le sachet il me proposa de garder le reste. Ma main voulu l'attraper mais mon bras resta immobile. Mon cerveau ne pouvait plus contrôler mon corps. Une nouvelle tentative, rien. Seuls mes doigts se soulevaient et retombaient lentement sur l'herbe. J'abandonnais et prendrais surement le sachet plus tard quand j'aurai retrouvé mes esprits...
J'entendis le son de sa voix au loin comme s'il s'était tenu à 100 mètres de moi.. Quelle idée de prendre ça en plein jour et dans un lieu qui risquera d'être bondée à tout moment !

- Et toi tu t'appelles ...?

Je fis un immense effort pour dire mon nom et me demanda s'il avait comprit. Mes yeux pouvait encore bouger, mes paupières s'ouvrir et fermer, mes doigts pouvaient remuer lentement, mais pas mon corps où j'avais l'impression qu'il pesait une tonne ou comme si on m'avait injecté de la morphine. Mais j'aimais tellement cette sensation euphorique que je ne m'énervais pas d'être privée de mes membres immobiles pour prendre le sachet. Je pouvais encore réfléchir mais mes pensées n'avaient aucun sens, je voulais lui demander où il avait trouvé ce produit mais j'en fus incapable. Et comme s'il avait lu dans mes pensées il me demanda d'une voix lointaine :

- Je te filerai le nom de mon dealer, si tu veux.

Je voulais dire un "oui" mais aucun son ne sortit de ma bouche. Alors je hochais doucement la tête en fermant mes yeux pour faire passer ce message. D'un coup je fus allongée. Comment en étais-je arrivé là ? Je ne me souvenais plus. Je regardais, hébétée, le ciel à travers les branches d'arbres où passaient quelques rayons de soleils. Avec surprise, sans comprendre, sans avoir le contrôle, des mots n'ayant aucun sens sortirent de ma bouche.

- Petit innocent, vagabond, cherchant l'amour, se refuge pour s'envoler, planer, rêver d'un monde idyllique. Ils rient bruyamment tandis que je suis retirée dans un coin à m'évader pour oublier ma peine. Je me rappelle de ce visage, d'ange démoniaque...

En tournant ma tête vers Julian je rajoutais :

- Et toi que fais-tu là ?

Pourquoi avais-je demandé cela ? Je devenais folle. Je regardais à nouveau le ciel puis ce fut le trou noir.

Dans ce noir total quelqu'un m'appelait ... J'entendais mon prénom en écho. Mais pourquoi m'appelait-on ? Qu'avais-je fais encore ? C'était déjà l'heure de rentrer ? Je n'avais aucune idée. Cette voix s'éteignit petit à petit et je replongeais dans l'abîme.

(Louise vient de s'endormir..)