Deux meilleures amies traversaient le couloir du Lycée à grande enjambées. Une fois de plus cette semaine là, une dispute venait d'éclater, et elle n'était pas terminée. Marissa était inquiète pour Kristin, qui elle, était exaspérée par les réflexions et commentaires que lui faisait son amie. En vérité, pour quiconque de sensé, le comportement de Kristin était inquiétant, mais Kristin n'avait rien une personne agissant avec logique et elle était bien loin de se soucier de ce que l'on appelait « être raisonnable ».

- Marissa! Arrête de me servir ton air de mademoiselle anxieuse et offusquée !

Kristin poussa la porte et entra dans les toilettes du premier étage de l'école. Elle contourna une étudiante pour se placer devant un lavabo et étudier son reflet dans la glace. Aprochant son visage du miroir, elle essuya le maquillage qui avait légèrement coulé sous ses yeux depuis le début de la journée et elle passa ses doigts dans sa chevelure brune pour les démêler. Elle inspecta indirectement la mine de son amie en la fixant dans le miroir. Après quelques secondes, elle lâcha ses cheveux, puis fit volte-face vers Marissa.

- Phillips, c'est pas parce que j'ai pas de petit ami constipé comme le tien que ça signifique que tout c'que j'fais est mal. Je respecte la façon dont tu veux vivre ta vie, alors pourquoi toi tu ne me fous pas la paix avec la mienne ?

Une élève de seconde choisit cet instant pour sortir d'une cabine et observa Kristin d'un air scandalisé. La rebelle leva les yeux au ciel et lui renvoya un regard arrogant. L'étudiante fila en vitesse vers la sortie sans même se laver les mains.

« Gross » marmona Kristin en fronçant les sourcils.

Son regard se reporta aussitôt vers son amie.

« À force d'agir comme ça, tout les autres te prennent pour une chienne ! C'est pas moi qui le pense, c'est tout ce que j'entends à ton sujet quand je passe dans le bain des rumeurs quotidiennes du lycée ! »

Les paroles de son amie restèrent en quelque sorte en travers de la gorge de Kristin. Durant un bref instant, elle eut presque honte et aurait eu envie de baisser les yeux vers le carrelage de la salle de bain. Si pendant une fraction de seconde elle parut vulnérable, elle se ressaisit toutefois encore bien plus rapidement. Se refermant comme une huitre, toute trace de sentiment s'échappa de ce qui émanait d'elle, au plus grand désespoir de Marissa. Un éclat malicieux vint se réinstaller dans son regard et lorsque Kristin ouvrit la bouche, sa voix était emplie d'assurance, mais beaucoup plus calme cette fois-ci.

- Une chienne? Alors crois-moi ma vieille, les zoophiles sont nombreux dans ce lycée, car quand je vais sortir des toilettes ils seront à nouveau tous pâmés sur moi, avança-t-elle avec un minuscule sourire.

Kristin n'avait pas balancé cette réplique par vantardise. Il était simplement évident qu'elle plaisait. Elle séduisait les garçons, et les filles, même celles qui crachaient sur elle dans son dos, auraient en vérité payé cher pour qu'elle leur démontre un quelconque intérêt et les traite comme des amies.

L'adolescente se fichait bien de ce que les autres pensaient d'elle, mais elle ne tenait pas à faire de mal à Marissa. Cette dernière n'était pas une pleurnicharde, cependant on aurait presque cru qu'elle allait bientôt se mettre à verser des larmes. Kristin attendit donc de voir ce qu'allait lui dire son acolyte.

Kristin écouta tranquillement Marissa lui faire part de ses inquiétudes, puis attendit que celle-ci en finisse enfin avant de pousser un soupir en hochant négativement la tête.

- Tu regardes trop de films Marissa. Tu te fais des idées, des scénarios qui tournent mal, et tu y crois.

Elle pausa une main sur l'épaule de son amie.

- Règle numéro 1, je n'achète rien. J'accepte les cadeaux avec plaisir, ou alors je m'amuse autrement. Alors question d'endettement, tes inquiétudes n'ont pas lieu d'être.

Une étudiante entra dans les toilettes, et Kristin s'arrêta de parler durant quelques secondes, puis reprit.

-Règle numéro 2, Kristin Thompson n'est dépendante ni de rien ni de personne.

Elle sourit, puis attendit que Marissa en fasse autant, mais celle-ci paraissait toujours découragée. Kristin ne put s'empêcher de lever encore une fois les yeux vers le plafond. Elle aimait se sentir vivante. Sentir quelque chose d'autre que ce fichu sentiment d'oppression qui lui écrasait la poitrine lorsqu'elle voyait sa mère veiller dans la cuisine en disant « attendre que son père rentre du boulot ». Elle s'évadait, et c'était l'extase. Pourquoi fallait-il que son amie en fasse toujours tout un plat?

-Tu sais ce que je crois moi? C'est que tu préfères t'en faire pour ce que tu crois être mes « problèmes » plutôt que pour les tiens. Tu as un copain qui n'attend que Toi Marissa. Alors pourquoi es-tu ici avec moi alors que tu me prends toi-même pour une salope qui finira junkie? Parce que tu ne veux pas voir les choses en face.

« Si Sebastian n'était pas aussi coincé et susceptible, ils s'enverraient en l'air plus souvent et Marissa aurait moins les nerfs!» songea l'ado rebelle.

Kristin n'aimait pas parler pour rien dire, mais elle réussissait souvent à avoir le dernier mot, parce qu'elle savait lire au fond des yeux des gens, surtout de ceux qu'elle connaissait bien, et parce qu'elle savait viser juste.

Kristin semblait à peine porter attention aux propos de son amie, alors qu'en réalité, ses paroles résonnaient intensément à l'intérieur de son crâne. Elle aurait du s'inquiéter pour Marissa, qui, de toute évidence n'était pas très à l'aise au sein de son couple ces derniers temps. Évidemment, Kristin ne s'en faisait pas vraiment. C'était Marissa qui s'inquiétait pour elle, comme toujours. Tels étaient leurs rôles dans l'histoire. C'est sous cet angle que Kristin voyait les choses. Elle s'amusait des échecs des autres, des pertes, de ce qui aurait du lui faire du mal. De ce qui lui faisait mal. Elle s'en amusait pour oublier ce qu'était la souffrance, la douleur. Elle jouait l'insensible pour se convaincre qu'il s'agissait bien de ce qu'elle était et pour oublier que rien ne dure éternellement.

- Une priorité?

Kristin fronça les sourcils, puis haussa les épaules.

- Je ne pense pas que l'ordre dans lequel se déroule les choses puisse véritablement changer l'histoire, Phillips. Que tu meurs jeune ou que tu meurs vieux, tu finis quand même en poussière dans une urne horrible ou au fond d'un cercueil à te décomposer tranquillement.

Ses yeux se mirent à fixer le mur se trouvant derrière son amie. La vie, la mort ... ça n'en tenait parfois qu'à un fil. Mais quelle importance ? Elle était perdue dans ses pensées et lorsqu'elle en resurgit brusquement, elle fit pratiquement sursauter Marissa.

- Et puis, il n'y a pas de problème entre nous. Il n'y en a jamais eu Marissa, c'est pour ça qu'on se supporte encore après toutes ces années.

Marissa était le calme, Kristin était la tempête. La première était sage, la seconde n'avait jamais voulu apprendre à être raisonnable. L'une était docile, l'autre était comme une huitre. Marissa se démontrait méfiante, tandis que son amie ne vivait que par le danger. Et des conflits en surviendraient toujours. Cependant, tant que Marissa restait honnête et qu'elle ne lui jouait pas dans le dos, comme la majorité des filles aimaient perdre leur temps à tenter de faire, elle demeurerait toujours la meilleure amie de Kristin. Peu importe le nombre d'éléments pouvant différencier leurs personnalités, pour la rebelle, il n'y avait pas de problème.

«C'est sûr qu'il y a jamais eu de problèmes réels. C'est moi qui fait chier. Mais tu comprends pourquoi, hein?»

Si seulement la mère de Kristin avait pu s'inquiéter de la même façon que ne le faisait Marissa. À propos de ces supposées heures supplémentaires excusant sont mari d'être absent à la maison. À propos des silences de sa fille. Ou de son propre bonheur à elle. Mais non, elle ne le faisait pas. Cela changerait-il un jour?

Kristin offrit à son amie un de ses sourires à la Mona Lisa. Un de ses sourires servis avec des yeux brillants de mystère, d'espièglerie, un de ceux que personne ne saurait jamais imiter. Les mêmes qu'elle adressait à sa mère afin que celle-ci les prenne en guise de parole, quand elle demeurait silencieuse.

- Ils ne s'inquiètent pas pour moi Marissa. Alors ...

Elle laissa sa phrase en suspens, quelques secondes, se mettant à détailler la tenue de son amie du regard du tee-shirt, aux chaussures. Les vieilles converses la firent sourire à nouveau. Depuis qu'elle connaissait Marissa, celle-ci ne devait jamais avoir changé ses All-Star qui étaient désormais en assez mauvais état.

- Alors, tu n'as pas à le faire, acheva Kristin en regardant son amie droit dans les yeux.

- C'est demain que tu vas au musée ? demanda Kristin en passant du coq à l'âne.

Son amie ne voyait visiblement pas où elle voulait en venir avec cette question soudaine.

- Envoie moi un texto quand tu auras fini. Elle pointa du doigt les chaussures de Marissa. « T'as vraiment besoin de nouvelles converses.» ajouta-t-elle avant de tourner les talons et de se diriger vers la porte donnant sur le couloir du premier étage.

« Je pense y passer la journée entière, mais si j'ai finis vers cinq heure de l'après midi, on aura qu'à aller au centre ville et essayer de me trouver de nouvelles chaussures ! » affirma Marissa tout en jetant un regard aux bas résilles troués de Kristin. Cette dernière senti la remarque qui allait venir. « Et on t'achèteras des collants, aussi ! »

Marissa suivit Kristin hors des toilettes et elles poursuivirent leur discussion tout en traversant le couloir, tout en ignorant les regards et expressions qu'avaient les garçon à leur passage - du moins, à celui de Kristin. Elles avaient beau avoir eu une conversation sur le sujet quelques secondes à peine au paravant, la rebelle avait toujours un regard séducteur imprimé sur les prunelles. Derrière elle, son amie leva les yeux au ciel, mais elle ne s'en aperçu pas et continua d'agir en croqueuse d'homme, comme à son habitude.

« T'as une fête ce soir? » lui demanda la plus sage.

- Nope! répondit-elle. « On squatte chez Cameron ce soir ... je verrai ce que je fais ensuite... je ne sais pas si Tyler et Cameron voudront sortir. Je connais déjà ta réponse à toi, ça commence par Sebastian et ça se termine par Miller. »

Elle passa une main derrière sa nuque et senti ses cheveux un peu sales ... il faudrait qu'elle prenne une bonne douche avant de sortir.

- On a anglais là, non? demanda-t-elle à son amie.

Cette dernière hocha affirmativement la tête.

- Tu as besoin de retourner à ton casier ou on se rend direct ? dit-elle en pointant la porte du local qui était tout près.

Littérarure. Hamlet. Wow, voilà qui s'annonçait passionnant. Elle pouffa quand elle songea que son amie devait déjà en connaître la moitié des répliques, puis elle entra dans le local pour aller s'asseoir.